À quoi on joue ?
À partir du 06/08/2022
Le jeu de société revient en force, porté par un écosystème de professionnels qui voient en lui un objet culturel tout public, au même titre que la littérature, le cinéma… ravis, les joueurs répondent à l’appel. Les signes d’un renouveau sociétal ?
Il n’y a pas de saison ni d’âge pour en profiter. De quoi ? Des jeux de société. Cartes, pions, énigmes et autres casse-tête ne sont plus réservés aux seuls enfants. Depuis quelques années, les « grands » s’y (re)mettent plus que jamais. Il a bien fallu occuper les journées confinées !
Depuis plusieurs années, les boîtes de jeu ont le vent en poupe. Les Français en ont acheté 23 millions* en 2019. Et 30 millions en 2021 ! On joue partout, dans les parcs, les bars, les événements dédiés (1 000 par an), les séminaires d’entreprise…
Avec plus de 700 nouveautés par an, sur les 1 500 à l’échelle mondiale, sans compter les rééditions et les extensions, la France est devenue le premier marché européen du jeu de société, devant l’Allemagne, longtemps leader.
* Source de tous les chiffres : Festival international des Jeux
MÉDIUM SOCIAL
Le divertissement était au centre des civilisations antiques, amatrices de parties d’osselets – ancêtres des dés – ou encore de jeux de plateau comme le senet ou le go. Pour les sociétés occidentales modernes, tout ceci n’était que paresse, voire débauche, nuisant aux (supposées) vraies valeurs de la vie : le travail, la réussite sociale ! Puis les choses ont encore évolué à la fin du XXe siècle.
« Prendre du temps pour soi fait partie des nouvelles tendances. On se sent moins obligé d’être toujours actif, productif, même si ce n’est pas encore légitime pour tout le monde"
explique Cynthia Rebérac, commissaire générale du Festival international des Jeux de Cannes dont la 35e édition s’est tenue en février.
Ainsi « les trentenaires ne se sont pas arrêtés de jouer en grandissant », assure Jean-Baptiste Jacquin, fabricant de jeux et animateur bénévole dans le bar à jeux associatif Moi je m’en fous, je triche à Lyon (5 000 adhérents) qui voit dans sa salle plusieurs générations de joueurs à une même table mais surtout des jeunes adultes.
Bar à jeux "Moi, je m'en fous, je triche", un bar à jeux associatif situé à Lyon, et comptant plus de 5000 adhérents !
Le jeu est un « fort médium social », selon lui, un temps d’échange, de reconnexion aux autres et à l’instant présent, dans une ambiance chaleureuse.
Il faciliterait la concentration, l’apprentissage, le dépassement de soi, le développement du cerveau, de l’imagination... Jouer et s’améliorer ! Jusqu’à devenir de nouveaux citoyens et impacter la société ?
« C’est une certitude, soutient Cynthia Rebérac. On le voit pendant le festival à Cannes : il y a une osmose, une bienveillance entre tous les joueurs. Autour d’un jeu, tout le monde essaye de s’entendre pour pouvoir arriver à la fin. »
ON JOUE COMME ON EST
N’empêche qu’on connaît tous un « mauvais joueur » qui quitte la partie fâché et parfois même qu’on ne revoit jamais. Ou un tricheur, mais là, on change de catégorie : « Ce n’est plus du jeu mais de la compétition acharnée. Il a perdu d’avance ! », dit Jean-Baptiste Jacquin.
Le jeu révèle notre caractère, on ne peut pas lutter contre.
Et certains n’aiment pas se montrer avides de victoire, impatients, dans l’échec… Mais aujourd’hui, l’offre de qualité est telle, grâce notamment à la créativité des auteurs et illustrateurs français – on parle d’une french touch –, que chacun devrait trouver le jeu qui lui convient. Les tendances actuelles : les escape games (évasion) où les participants coopèrent pour s’échapper, les party games ou jeux d’apéro, simples à comprendre, rapides, qui peuvent séduire même ceux qui ne sont pas fans de jeu. Ou encore ceux sur l’environnement.
Au départ, ils n’étaient pas créés par la profession et « il leur manquait quelque chose », explique Jean-Baptiste Jacquin. Puis les pros de la mécanique du jeu s’y sont intéressés et maintenant « ça marche bien », dit-il, citant Living Forest (récompensé à Cannes 2022), Migrato, Terraforming Mars... Dommage que, toutes catégories confondues, presque toutes les boîtes soient recouvertes d’un plastique pelliculé qui sous ses jolis airs brillants n’a rien d’écologique.
Des fabricants commençant à se préoccuper de l’environnement, on voit arriver des boîtes en métal, des étuis en tissu, des peintures inoffensives… mais ils sont encore minoritaires.
Ils se heurtent notamment aux traditions, comme celle du coin arrondi des cartes à jouer qui génère beaucoup de pertes de carton. Le coin droit pourrait être un des pions à avancer pour gagner la partie face au dérèglement climatique. On joue le jeu ?
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